5 conseils pour éviter la "Gender fatigue" !
Dernière mise à jour : 3 mars
En ce 8 mars dernier, combien êtes-vous à vous être dit :
« Ras le bol de ces discours sur la parité et sur le plafond de verre ! Assez de sensibilisations, de formations sur l’égalité professionnelle ! Quand est-ce que ça change vraiment ? »

Connaissez-vous la "Gender fatigue" ?
Ce terme, que l'on pourrait traduire par "Lassitude liée aux questions de genre", est apparu aux États-Unis il y a une quinzaine d’années. Il désigne cette forme de d’épuisement mental, qui se fait jour chez les salarié·es – en particulier les managers – au sujet des questions de genre et d’égalité professionnelle. Il dérive d'un concept plus large, la "Diversity fatigue", qui se réfère aux questions d'inclusion et à toutes les thématiques connexes.
Ce phénomène a une cause : la dissonance cognitive créée d’une part par un sentiment de rabâchage d’actions de formation répétitives et à faible impact (les fameux "modules e-learning" à compléter avant telle date), et d’autre part le constat que dans les faits, rien ne change, ou si peu.
Ainsi, cela fait plus de 40 ans que la France célèbre chaque 8 mars le droit des femmes, et les investissements des grandes entreprises dans des formations récurrentes obligatoires à destination de leurs managers vont toujours croissant. Et pourtant, force est de constater que depuis une trentaine d’années – soit le temps d’une génération –, les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ne se réduisent plus que de façon très marginale (de 18,5% à 16,1% pour les écarts EQTP). A ce rythme, impossible d’envisager d’atteindre un jour l’horizon de l’égalité salariale !
Les raisons de cet échec sont bien entendu multiples : elles sont d'ordres politique, managérial, structurel… Mais elles sont avant tout sociétales : malgré les récents progrès apparents de la cause féministe – cf le mouvement #meetoo –, toutes nos interactions sociales sont encore et toujours imprégnées d’un sexisme systémique, qui diffuse naturellement dans tous les champs de la relation professionnelle.
Dès lors, comment faire que les choses changent ? Nous pensons que le monde du travail est un terrain fertile expérimenter de nouvelles façons de faire lien, et produire du commun.
Créer une véritable culture de l’égalité
Passer d’une culture du sexisme à une culture de l’inclusion et de l’égalité n’est pas une chose simple. Au-delà de pointer les dysfonctionnements et de lister les bonnes pratiques, il s’agit de requestionner nos représentations et nos postures. Cela passe par une prise de conscience des stéréotypes, et la construction d’un système de représentations et de valeurs partagées, à tous les niveaux.
Voilà donc le véritable enjeu : faire en sorte que les valeurs de respect, d’égalité, d’inclusion imprègnent en profondeur la culture de l’entreprise, pour créer une dynamique collective à même de se diffuser naturellement dans tous les process, internes comme externes, et de faire évoluer le marque employeur.
Voici donc ci-dessous 5 leviers d’action, pour augmenter l’impact des efforts investis en faveur de l’émergence d’une véritable culture de l’égalité et de la diversité.
#1 - Éviter l’injonction et la posture moralisatrice
Dans vos actions de sensibilisation, il importe de bien identifier votre cible : il ne s’agit pas des personnes profondément convaincues, voire militantes de la cause (celles que l’on retrouve systématiquement dans toutes les actions), mais il ne s’agit pas non plus des "anti" convaincus.
Non, votre cible, c’est bien l’immense majorité de vos collaborateurs et collaboratrices, qui sont saturés d’opinions contradictoires et d’injonctions morales de tous bords matraquées dans les médias à longueur de journées. Il peut en résulter une lassitude vis-à-vis de ces sujets, qui peut à la longue générer même un rejet pur et simple.
Dès lors il faudra se garder, dans vos actions de sensibilisation, de toute position qui pourrait être perçue comme moralisatrice ou donneuse de leçon, au risque de renforcer encore cet effet de saturation, et de produire un effet exactement contraire à celui escompté.
Il s’agira au contraire de s’adresser à l’intelligence de votre public, en adoptant une approche positive, non culpabilisante, et basée sur des données et des faits les plus objectifs possibles. L’appropriation des thématiques abordées ne se fera qu’à ce prix-là.
#2 – S’adresser à TOUT LE MONDE
Classiquement, on a tendance à cibler les actions de sensibilisation sur les managers, voire sur les "top managers", en imaginant que les changements de postures vont infuser dans l’ensemble de la communauté des collaborateurs et collaboratrices, comme par effet de ruissellement.
Ceci tient vraisemblablement à deux raisons : d’une part une culture managériale très forte en France – la culture du top-down –, qui porte en elle des logiques de ruissellement de bonnes pratiques, et d’autre part une simple affaire de coûts.
Or, s’il est vrai que le management donne le tempo dans une équipe, la construction d’un habitus commun à même de cimenter un "esprit d’équipe" s’échafaude avant tout dans les relations interpersonnelles au sein même de l’équipe.
Former les encadrants est sans doute une action nécessaire pour mettre en place un management non discriminant, mais non suffisante pour permettre l’émergence de valeurs réellement partagées au sein d’une organisation. Il faudra pour cela sensibiliser l’ensemble des membres de cette organisation, et ceci quels que soient leur emploi et leur position hiérarchique.
C’est la concomitance de ces deux types d’actions complémentaires – formation des managers et des fonctions RH, et sensibilisation massive de toutes et tous – qui permettra de bâtir et consolider une véritable culture d’entreprise, fondation indispensable pour faire évoluer les pratiques à tous les niveaux.
#3 – S’adresser à tout le monde EN MÊME TEMPS
Et si le digital était un moyen pour produire de la relation IRL (In Real Life, ou « dans la vraie vie ») ? Générer des conversations, au bureau, à la pause, à la cantine… Voilà l’objectif à viser pour faire émerger des représentations partagées.
Et c’est possible ! Mais à la condition de mener une action à la fois resserrée et scénarisée.
On s’imagine facilement qu’une action de sensibilisation ou de formation en ligne aura d’autant plus d’impact que les contenus restent accessibles sur une longue durée, chacun et chacune ayant ainsi le loisir de les consulter quand bon lui semble.
En réalité il n’en est rien, au contraire. Dans un monde du travail gouverné par la tyrannie de l’urgence, les échéances lointaines passent toujours à la trappe. Au final, l’intérêt se délite, le sujet perd de sa force, l’engagement s’effondre et l’impact est très décevant.
Mettre en place une action en mode "campagne", c’est-à-dire sur un temps synchrone et très resserré, et soutenue par une communication évènementielle, permettra au contraire de créer de l’urgence, et de créer de l’engagement par le fameux effet de FOMO (Fear Of Missing Out, ou « peur de rater le coche »).
Rien ne vous empêche de laisser les contenus en accès libre à la suite de la campagne si vous craignez de léser les retardataires… vous verrez qu’ils seront peu nombreux.
#4 – Privilégier les formes hybrides
Parcours en ligne, formation en présentiel ou en visioconférence, conférences, ateliers participatifs... Quel format choisir pour déployer vos actions de sensibilisation ?
Mais à vrai dire, pourquoi faudrait-il choisir ?
Certes les parcours en ligne sont particulièrement adaptés à la transmission de connaissances théoriques (conceptuelles, légales) et à la prise de conscience. Mais les temps de formation synchrone sont indispensables à un transfert rapide et efficace de ces connaissances en situation opérationnelle.
Una action en deux temps (parcours en ligne, puis formation synchrone) permettra au formateur ou à la formatrice de se focaliser sur des activités où les interactions présentent une véritable valeur ajoutée (études de cas, mises en situation, confrontation à la culture de l’entreprise), et de donc de viser des objectifs pédagogiques de haut niveau.
Pensez donc votre action dans sa globalité… Comment maximiser l’engagement de votre communauté ?
Mixez les différents formats à votre disposition pour composer une campagne efficace, en termes de surface et en termes d’impact.
#5 – Communiquer et célébrer les progrès
Même si elle est préférablement discrète, là encore pour éviter l’effet de saturation, la communication doit être constante. En amont d’une campagne de sensibilisation bien sûr, pour créer un événement qui se convertira en engagement, mais également après la campagne.
Rien de pire en effet qu’un silence total entre quelques dates de commémoration convenues (8 mars, 25 novembre…). Pour la communauté des collaborateurs et collaboratrices, ne rien voir c’est voir qu’il ne se passe rien. De quoi nourrir abondamment la Gender fatigue.
Alors communiquez ! Et surtout, n’oubliez pas de communiquer après les évènements : c’est le temps de l’ancrage et de la sédimentation. Pour une action efficace, focalisez-vous sur un angle opérationnel, proche du quotidien. Commencez par communiquer sur les impacts concrets de vos campagnes de sensibilisation, sur les KPI d’engagement. Montrez que le sujet avance, d’un point de vue concret. Si petits les pas soient-ils, célébrez chacun d’entre eux, et profitez-en pour faire des rappels des contenus de la campagne échue. Donner de la visibilité à l’engagement institutionnel est également un élément fédérateur fort.
Ce sont là les conditions pour créer un sentiment d’efficacité à même de maintenir une dynamique motivationnelle.
En conclusion
Créer une culture du respect, de l’égalité, de l’inclusion est un travail de longue haleine, qu’il convient de penser globalement. Ce n’est pas facile, mais les enjeux sont forts pour les entreprises : l’impact de la performance sociétale et environnementale sur les performances opérationnelles et économiques n’est plus à démontrer.
En s’appuyant sur son réseau d’expertes et d’experts, SkillChunks peut vous accompagner à tous les stades de votre projet.
Références
L'article fondateur : Kelan, Elisabeth. (2009). Gender Fatigue: The Ideological Dilemma of Gender Neutrality and Discrimination in Organizations. Canadian Journal of Administrative Sciences / Revue Canadienne des Sciences de l'Administration. 26. 197 - 210. 10.1002/cjas.106 https://www.researchgate.net/publication/230001296_Gender_Fatigue_The_Ideological_Dilemma_of_Gender_Neutrality_and_Discrimination_in_Organizations
Sur la "Diversity fatigue" : https://tnj.com/diversity-fatigue/
Sur les écarts de salaire femmes-hommes : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047789?sommaire=6047805#titre-bloc-42